Le festival Lumière 2013 suit son cours avec sa quantité de séances spéciales et de raretés. Rien de bien nouveau me direz-vous, puisque c'est le credo de cette manifestation organisée par l'Institut Lumière depuis maintenant 5 ans. Pourtant cette édition se montre plus animée que les précédentes, la faute à un grand prix boulimique, qui n'en finit pas d’apparaître de salle en salle : Quentin Tarantino. Et si une projection devait se démarquer pour lui en ce mercredi 16 octobre, c'est bien celle du Déserteur / J'attendrai, de Léonide Moguy. Et pour cause : il ne l'a jamais visionné et en mourrait tellement d'envie qu'il en a réclamé la programmation....
Au tout début de la séance, Quentin Tarantino prit le temps de s'expliquer sur sa démarche. Alors qu'il est en plein dans l’écriture d'Inglourious Basterds, il se fait conseiller un film traitant de l'Occupation. Il s'agit de Paris After Dark, réalisé par un certain Léonide Moguy. Celui-ci est un cinéaste d'origine russe, ayant émigré en France en 1929 puis aux États-Unis en 1940, fuyant la guerre. Tombant immédiatement sous le charme de cet artiste méconnu, Tarantino s'empresse de découvrir sa période américaine, entrant ainsi, « dans le cercle très restreint du fan-club de Moguy ». Désireux de connaître sa période française, le réalisateur américain n'a pas manqué de profiter de sa venue à Lyon pour réaliser ce rêve. Ainsi Le Déserteur se retrouva programmé, offrant au grand prix 2013 la joie de partager sa découverte avec le public, pour une séance unique qu'il avoua être celle qu'il attendait avec le plus d'impatience.
Au tout début de la séance, Quentin Tarantino prit le temps de s'expliquer sur sa démarche. Alors qu'il est en plein dans l’écriture d'Inglourious Basterds, il se fait conseiller un film traitant de l'Occupation. Il s'agit de Paris After Dark, réalisé par un certain Léonide Moguy. Celui-ci est un cinéaste d'origine russe, ayant émigré en France en 1929 puis aux États-Unis en 1940, fuyant la guerre. Tombant immédiatement sous le charme de cet artiste méconnu, Tarantino s'empresse de découvrir sa période américaine, entrant ainsi, « dans le cercle très restreint du fan-club de Moguy ». Désireux de connaître sa période française, le réalisateur américain n'a pas manqué de profiter de sa venue à Lyon pour réaliser ce rêve. Ainsi Le Déserteur se retrouva programmé, offrant au grand prix 2013 la joie de partager sa découverte avec le public, pour une séance unique qu'il avoua être celle qu'il attendait avec le plus d'impatience.
UN FILM MARQUé PAR SON ÉPOQUE
Passé le plaisir d'entendre ce discours pêchu, restait à découvrir cette rareté. Le cinéma de Moguy est connu par les spécialistes pour son caractère social, teinté d’un certain romanesque mélodramatique. Il se plaisait à mettre en scène des personnages issus de milieux plutôt défavorisés, au cœur d'intrigues noires et portées par un ton sans concession. Cela n'a d'ailleurs pas échappé à la censure, puisqu’à la sortie du film en 1939, son titre fût jugé trop pessimiste : Le Déserteur fût alors renommé J'attendrai. Son récit se déroule pendant la Première Guerre mondiale. Un convoi de troupes est immobilisé sur une voie ferrée : Paul, qui se sait proche de son village natal, déserte pour quelques heures. Il souhaite de retrouver ses parents, mais brûle surtout de revoir sa fiancée, Marie. Mais rien ne se passe comme il l'avait imaginé, et se retrouve au cœur d'un drame causé par la jalousie de sa mère.
Si Tarantino était impatient de voir projeter une des réalisations françaises de Léonide Moguy, il n'a pas dû être déçu. Le film est fidèle aux thèmes de prédilection du cinéaste russe. Il entre de plein pied dans le cinéma français de la période, et évoque plus particulièrement le réalisme poétique, dominant alors la production nationale avec des films comme la Bête Humaine, ou Quai des Brumes. Outre son sujet réaliste et social, Le Déserteur recèle nombre de points propres à ce courant, à commencer par des personnages maudits, marqués par le fatalisme. Il en va de même pour l'importance des dialogues : ici, ciselés comme dans d'autres films de l'époque, ils sont au centre du dispositif narratif en mettant en évidence les enjeux dramatiques. D'où la quantité de plans sous forme de portraits très serrés lors des échanges, servant à mettre en avant le verbe avant tout. On peut enfin citer une esthétique bien particulière, où la photographie sublime un jeu d'ombre et de lumière très marqué, où les décors sont unilatéralement sombres et brumeux.
Au-delà de tous ces éléments propres au réalisme poétique, le film porte la marque d'un récit plus populaire, plus classique. Sa construction narrative tourne autour d'un système de compte à rebours traditionnel (mais efficace) propre à tout film à suspense : Paul a une heure pour régler ses affaires et retourner auprès de son régiment afin d’échapper à la cour martiale. On note aussi la sempiternelle unité de temps et de lieu, ainsi que le thème d’inéluctabilité du destin, autant d'éléments appartenant au canon de la tragédie classique. Malgré leur côté social, les personnages sont brossés à gros trait : entre le méchant borgne patibulaire, les policiers plus que franchouillards ou la mère-poule castratrice, la palme revient à nos deux amoureux constamment baignés d'un halo de lumière. Clairement, entre son classicisme et ses références constantes au réalisme poétique, Le Déserteur / J'attendrai sonne comme un condensé du cinéma français des années 30. À la sortie de la salle, beaucoup le qualifiait de « très classique ». Pourtant, ce constat ne nous empêcha en rien de savourer notre plaisir.
Si Tarantino était impatient de voir projeter une des réalisations françaises de Léonide Moguy, il n'a pas dû être déçu. Le film est fidèle aux thèmes de prédilection du cinéaste russe. Il entre de plein pied dans le cinéma français de la période, et évoque plus particulièrement le réalisme poétique, dominant alors la production nationale avec des films comme la Bête Humaine, ou Quai des Brumes. Outre son sujet réaliste et social, Le Déserteur recèle nombre de points propres à ce courant, à commencer par des personnages maudits, marqués par le fatalisme. Il en va de même pour l'importance des dialogues : ici, ciselés comme dans d'autres films de l'époque, ils sont au centre du dispositif narratif en mettant en évidence les enjeux dramatiques. D'où la quantité de plans sous forme de portraits très serrés lors des échanges, servant à mettre en avant le verbe avant tout. On peut enfin citer une esthétique bien particulière, où la photographie sublime un jeu d'ombre et de lumière très marqué, où les décors sont unilatéralement sombres et brumeux.
Au-delà de tous ces éléments propres au réalisme poétique, le film porte la marque d'un récit plus populaire, plus classique. Sa construction narrative tourne autour d'un système de compte à rebours traditionnel (mais efficace) propre à tout film à suspense : Paul a une heure pour régler ses affaires et retourner auprès de son régiment afin d’échapper à la cour martiale. On note aussi la sempiternelle unité de temps et de lieu, ainsi que le thème d’inéluctabilité du destin, autant d'éléments appartenant au canon de la tragédie classique. Malgré leur côté social, les personnages sont brossés à gros trait : entre le méchant borgne patibulaire, les policiers plus que franchouillards ou la mère-poule castratrice, la palme revient à nos deux amoureux constamment baignés d'un halo de lumière. Clairement, entre son classicisme et ses références constantes au réalisme poétique, Le Déserteur / J'attendrai sonne comme un condensé du cinéma français des années 30. À la sortie de la salle, beaucoup le qualifiait de « très classique ». Pourtant, ce constat ne nous empêcha en rien de savourer notre plaisir.
UN GAMIN PARTAGEUR
S’il y a quelque chose que l'on ne peut enlever à Quentin Tarantino, c'est le plaisir intact qu'il a de dévorer des films encore et encore, et de les partager avec nous. Son œuvre se nourrit de tout ce qu'il visionne avec passion, de tout ce qu'il cite et réinterprète dans ses réalisations, de cette joie brute qu'il transmet tout entier à son public. Pour peu qu'on adhère, qui n'est pas sorti d'un de ces films avec l'envie de faire des bons de 5 mètres. D'une certaine manière, Tarantino ressemble à un gosse qui rejoue ses scènes préférées avec ses propres jouets. En présentant le film, l'artiste avait tout du petit garçon surexcité devant un nouveau jeu, heureux de pouvoir partager son bonheur avec ces copains.
Beaucoup se posaient la question de ce à quoi ressemblerait ce petit film inconnu, avec la crainte de subir la séance de bout en bout. En nous disant espérer que le film sera bon, Tarantino nous a fait comprendre ce petit risque de la découverte pure d'un film, qu'il faut combattre avec innocence et curiosité. Il nous a transmis à tous son excitation en nous livrant un petit plaisir cinéphile qui fleurent bon le film d'antan , entre sa copie en 35mm, son doublage post-synchronisé et le timbre de voix rétro des interprètes. Il fait resurgir de l'assistance les gosses qui tremblent pour les héros et applaudissent à tout rompre à la fin... En partageant avec nous son plaisir sans modération, Quentin Tarantino nous a fait un des plus beaux cadeaux du festival.
Beaucoup se posaient la question de ce à quoi ressemblerait ce petit film inconnu, avec la crainte de subir la séance de bout en bout. En nous disant espérer que le film sera bon, Tarantino nous a fait comprendre ce petit risque de la découverte pure d'un film, qu'il faut combattre avec innocence et curiosité. Il nous a transmis à tous son excitation en nous livrant un petit plaisir cinéphile qui fleurent bon le film d'antan , entre sa copie en 35mm, son doublage post-synchronisé et le timbre de voix rétro des interprètes. Il fait resurgir de l'assistance les gosses qui tremblent pour les héros et applaudissent à tout rompre à la fin... En partageant avec nous son plaisir sans modération, Quentin Tarantino nous a fait un des plus beaux cadeaux du festival.